Conférence de Martine Villelongue : ``Tony Tollet face aux lyonnais``

Intervention de Martine Villelongue, Maître de conférence – Université Lumière Lyon 2

Lors de la soirée inaugurale en Hommage à Tony Tollet (en 2010, à l’Hôtel du Département du Rhône), Martine Villelongue, maître de conférences à l’université Lumière Lyon 2 a appuyé son intervention sur la présentation de quelques tableaux choisis afin d’illustrer la palette des œuvres de Tony Tollet et faire partager, non seulement sa connaissance de l’histoire de l’art – dont celle de la  peinture lyonnaise – mais aussi sa sensibilité à l’œuvre de cet artiste.

Cette intervention a permis de suivre le foisonnement artistique de cette époque, dont le bâtiment de l’Hôtel du Département est une bonne illustration puisque ce  fleuron de l’architecture  lyonnaise, classé monument historique, a été inauguré le 18 août 1890 et abrite, comme l’a rappelé Madame Nachury, deux œuvres majeures de Tony Tollet : Flore, et Thémistocle au foyer d’admète, roi des Molosses.

Voici quelques extraits de l’intervention de Martine Villelongue.

Tous les tableaux cités sont présentés ci-contre.

Elle a souligné combien, héritier d’une formation académique, Tony Tollet attachait d’importance à la qualité du dessin et du trait, pour exemple, les esquisses du tableau réalisé en 1893 et qui orne le salon Nord : « Flore, l’allégorie au printemps ». Elle a  relevé dans le tableau  la cohérence de la composition et l’harmonie des personnages, tout en  pureté et innocence,  la nature  est représentée par  l’eau, les  fleurs, une  colombe…

Elle invita alors les participants  a levé les yeux pour admirer sur le plafond du grand salon une  vaste peinture murale : « le Triomphe de Vénus »  signé du peintre académicien Léon Comerre qui reprend ce même thème d’une divinité alanguie dans une nature généreuse et paisible.  Ces œuvres évoquent  l’art nouveau qui s’est épanoui entre  la fin du XIXe et le début du XXe siècle et se caractérise par les tendances décoratives inspirées des arbres, des fleurs, des insectes, des animaux, introduisant du sensible dans le décor quotidien.

Elle a ensuite situé Tony Tollet dans son époque en citant  les artistes avec qui il entretenait des relations de travail.  Parmi eux, Lucien Bégule maître verrier lyonnais à qui il apporta sa collaboration en réalisant des esquisses  dont celles qui servirent  pour le vitrail de la chapelle du Sacré Cœur. De vrais liens d’amitié ont existé comme en témoigne le portrait de Lucien Bégule que Tony Tollet réalisa au fusain.

Accueillis en haut des marches du bâtiment par la reproduction de Thémistocle au foyer d’Admète, Roi des Molosses qui valut à Tony Tollet le grand prix de Rome en 1885, les participants ont, pour la plupart, découvert que le  message de ce tableau, porté par l’attitude d’accueil d’Admète, est le refus de la haine et de la vengeance. Ce grand tableau d’inspiration classique répond aux exigences picturales de l’académisme et nous offre une magnifique scène de supplication et de mansuétude : Thémistocle agenouillé au pied d’Admète dont il porte le fils , sollicite  humblement sa protection, protection qui lui sera accordée alors que Thémistocle, au faîte de son influence politique,  l’avait auparavant refusé avec mépris à Admète.

Tony Tollet est un portraitiste réputé de la bourgeoisie lyonnaise. Comme en témoigne ce portrait de femme à la rose, à l’expression un peu sévère dont la pose et l’élégance de la tenue sont révélatrices de son époque et de son milieu.

Tony Tollet a aussi  réalisé des scènes plus intimistes et familiales et des portraits de membres de sa famille.  Le portrait de Madame Giraud Tollet permet de constater que sa peinture évolue vers plus de sensibilité, de liberté et de souci de rendre au sujet sa vérité intérieure. Anecdote, le collier représenté est toujours dans la famille et était ce soir là, porté par une descendante de Tony Tollet.

Pour le portrait de Camille BARBIER réalisé à Choules, maison familiale des environs de Lyon , Tony Tollet nous invite à contempler la patience et la modestie charmante de Camille  absorbée par son ouvrage. Le visage mis en lumière par le col de dentelle dont on peut admirer, comme  dans le portrait de l’ enfant en médaillon, la finesse et le drapé. Tony Tollet savait également restituer la délicatesse des carnations, la douceur  des joues enfantines, le galbe d’un bras, l’ovale d’un visage, le soyeux d’une chevelure…

Avait également été choisi un tableau dégageant une forte émotion, il s’agit d’une toile, propriété du musée des Beaux Arts de Lyon,  représentant une femme âgée à la belle chevelure blanche, seule et assise. Le décor est sommaire l’attention se concentre sur le personnage  qui semble perdue dans ses pensées.  Ses doigts sont croisés sur les genoux. Cette quête d’intériorité nous interpelle sur le sens de la vie et sa finitude. Cette femme semble sereine, en attente… Le tableau s’appelle «Vers l’au-delà». il a obtenu la médaille d’or au Salon de 1936.  Le conservateur du musée a déclaré souhaiter que ce tableau soit de nouveau accessible au public, une bonne nouvelle et une invitation à redécouvrir les trésors que ce lieu recèle.

Portraitiste on l’a dit, la peinture de Tony Tollet s’exprime avec beaucoup de sincérité lorsqu’il s’intéresse aux paysages. Il n’y a pas là de recherche du beau idéal  mais bien davantage celle de l’émotion que procurent un lieu, une scène champêtre…

Dans «Les genets» on est saisi par la douceur qu’exprime le  tableau, le personnage placé au centre fait corps avec la nature, son visage est suggéré… La palette de l’artiste se fait méditative, soucieuse de saisir un instant de vie heureuse. Ce tableau est la manifestation que Tony Tollet a subi, malgré lui, l’influence des mouvements dont son époque a été particulièrement riche.

Parlant de Choules sous la neige, Martine Villelongue n’hésita pas à faire le rapprochement  avec  la manière de peindre d’Alfred Sisley, soulignant la grande maîtrise avec laquelle Tony Tollet réussi à restituer la  réverbération de la lumière sur la neige et à exalter les couleurs des  volets et des bords des fenêtres.

Ce résumé trop sommaire de l’intervention de Martine Villelongue ne rend pas compte de la qualité du silence qui l’a accompagnée, comme l’a spontanément souligné Patricia Bollard, le public était sous le charme ! Il convient de souligner que si une partie de l’assistance ne connaissait pas l’œuvre de Tony Tollet, l’autre partie, en qualité de descendants de Tony Tollet a grandi entourés par ses tableaux au risque de ne plus les voir. Ce fut donc pour les uns une vraie découverte et pour  les autres une invitation à redécouvrir  les richesses d’un patrimoine resté trop longtemps confiné dans les salons lyonnais. Ce fut aussi vécu comme un encouragement à poursuivre le travail engagé par l’association et surtout un encouragement à poursuivre le travail engagé : réaliser le recensement des œuvres afin que Tony Tollet soit davantage exposé et connu, non pas seulement comme un Maître  doué,  mais aussi comme formidable coloriste et un artiste sensible et inspiré.

2012

Conférence « Tony Tollet face aux Lyonnais ».

En 2012, le Musée des Beaux-Arts de Lyon ouvrit ses portes à Martine Villelongue, maître de conférences en Histoire de l’Art, Université Lumière Lyon 2, lors d’une conférence sur « Tony Tollet face aux Lyonnais« . Ce fut l’occasion pour tous d’admirer le tableau « Vers l’au-delà » sorti de sa remise pour cette occasion.